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Nicolas VAUQUELIN sur « La Chartreuse Black Yard »
Son récit:
Petit retour sur la course du week-end : la Chartreuse BackYard.
Un concept simple et pourtant tellement difficile…
Une boucle de 6,7km toute plate à parcourir le plus de fois possible jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un, avec un départ donné chaque heure. Donc si on court en 50min, on a 10min de pause chaque heure. Avant de repartir, encore et encore…
J’avais découvert cette course l’année dernière et ça avait attisé ma curiosité. Elle n’avait finalement pas eu lieu à cause du Covid. Alors cette année je me suis décidé et j’ai pris le départ ce vendredi à 12h pétantes avec 185 autres énervés !
Déjà pour mettre dans l’ambiance avant le départ, installation du « bivouac » à l’intérieur du gymnase. Certains sont venus avec un matos de dingue, on sent que ça va durer longtemps !! Bon pour l’occasion j’ai aussi acheté une chaise longue en espérant avoir le temps de pouvoir faire quelques micro-siestes entre les tours 😎
Donc vendredi midi, premier départ. Ça part plus ou moins vite, d’abord autour de la piste de 400m puis le long de la rivière en aller-retour sur un chemin avec quelques pièges : cailloux, racines, flaques, boue… Je pars très tranquille et discute avec d’anciens participants pour prendre un peu d’info car je ne sais pas trop comment gérer le truc. Dès le premier tour, j’alterne course et marche. Il ne s’agit pas d’aller vite mais d’aller loin…
Je cours/marche les premiers tours autour de 50min donc j’ai le temps de profiter de ma chaise longue, c’est cool !
A 18h pour le 7ème tour il faut déjà sortir la frontale car la nuit est tombée. On a fait autour de 40km et les jambes commencent déjà à être lourdes, ça s’annonce bien cette histoire…
Les premiers tours dans la nuit se passent bien même si l’humidité augmente et la température diminue, il faut se couvrir mais ça passe bien quand même.
Au 10ème tour je commence à avoir de grosses douleurs aux fessiers. Lorsque je repars après m’être arrêté quelques minutes je boite énormément et je mets en gros un tour de piste de 400m à pouvoir commencer à recourir, et encore sur un petit rythme et avec ces fameuses douleurs. Les chevilles tirent aussi…
Là je ne donne pas cher de ma peau car c’est vraiment douloureux… Mais je reçois beaucoup de messages d’encouragement qui me font un bien fou alors je continue tant bien que mal. Aux pauses du 10ème et 11ème tour j’essaye de m’étirer mais rien n’y fait. J’ai alors l’idée de changer de chaussures et de passer sur mes Altra de trail. Ces derniers week-ends j’ai fait de bonnes sorties avec pour me préparer et je n’ai jamais eu de telles douleurs.
A minuit je cours donc à la voiture chercher mes chaussures et ça repart. Ça fait déjà 12 heures de course, les premières vagues d’abandon arrivent. Certains avaient dû se donner l’objectif de faire un tour d’horloge.
Je continue en serrant les dents et au 14ème tour les douleurs aux fessiers ont quasiment disparu, trop content !! En revanche, les cuisses sont de plus en plus douloureuses et le rythme diminue, ce qui signifie que le temps de pause diminue aussi…
J’entends autour de moi que de nombreux coureurs se sont donné l’objectif de 15h et 100km. Il devrait donc encore y avoir de nombreux abandons. Alors il faudra valider encore au moins un tour pour être devant eux…
Avant le départ pour le 15ème tour, je fais donc le plein de ma gourde et emporte avec moi une barre chocolatée. Je me dis que si je mets 59min à ce tour, je n’aurai pas le temps de m’arrêter pour ravitailler et je repartirai direct pour faire un tour de plus que ceux qui abandonnent aux 100 bornes 😝
 
Ce 15ème tour passe, ça fait 100km ! On est encore nombreux à 3h du mat’ pour le départ du 16ème tour donc je m’accroche et je continue ! Le tour de piste de chauffe est comme un chemin de croix avant d’arriver à retrouver un petit rythme qui me permet de boucler les tours dans les temps. Mais à présent je cours tellement lentement que je n’ai presque plus la possibilité de marcher au risque de finir hors délai. Je me force donc à trottiner tout le temps.
Mes temps au tour augmentent et j’ai de moins en moins de temps de récup. Impossible à présent d’aller me poser sur mon bivouac ☹️ Je ravitaille donc tant bien que mal à l’entrée du gymnase, discute un peu avec les bénévoles et les survivants et ça repart. « L’avantage » c’est qu’avec moins de pause, je me refroidis un peu moins et c’est un tout petit peu moins douloureux de repartir. Ça reste très relatif mais bon toutes les pensées positives sont bonnes à prendre dans ces cas-là…
Ce qui me fait halluciner c’est que les mecs devant ont l’air frais comme des gardons alors que dès que je finis mon tour je boite comme un petit vieux…
Bref je continue de serrer les dents de plus en plus fort et le nouvel objectif est de voir le jour se lever. Les organisateurs nous disent vers 7h du mat’, à la fin du 19ème tour donc… Le double objectif c’est aussi que ceux qui me suivent à distance puissent me voir encore en course au petit matin. Cette pensée m’a animé toute la fin de la nuit et je vous remercie pour ça !
Je démarre le 19ème tour quasiment en dernière position, nous ne sommes plus qu’une petite quarantaine. Je me dis que ce sera le dernier, je pense le finir hors délai mais au moins je serai allé au bout et je finirai dans le dernier quart !
Je suis accompagné d’une des 3 dernières filles qui « prend ma roue ». Ça me motive de la sentir derrière. Je regarde ma montre au demi-tour, ça va être chaud de finir dans les temps mais ça peut passer. La fille prend alors le relais sur le dernier tiers de la boucle et nous ramène en environ 57’30’’. Donc pas le choix, il va falloir repartir !!
Il est 7h du mat’, cette fois-ci on peut vraiment éteindre la frontale après 13 boucles dans la nuit et ça repart. Là je pense que ce sera vraiment la dernière car c’est très dur mais je pense à tous ceux qui me verront encore courir à leur réveil et je vais « profiter » de ce tour au soleil levant.
Au demi-tour je sais que je serai hors délai alors cette fois-ci je m’accorde un peu de marche, ce qui n’était plus arrivé depuis de nombreux tours sous peine d’avoir sauté pour hors délai bien avant.
Lorsque je reviens vers le stade, je croise la trentaine de guerriers survivants qui repartent pour un tour et dont certains courent encore à un rythme incroyable. Je les félicite et les encourage et eux aussi me félicitent, c’est beau le sport !!
J’arrive au gymnase en 1h07, hors délai donc et cette fois c’est terminé. Je rends mon transpondeur et récupère ma médaille DNF (Did Not Finish). Pour la petite histoire, tout le monde finit avec cette médaille sauf le dernier survivant qui gagne un trophée, un jéroboam de Chartreuse et une invitation pour la finale mondiale dans le Tennessee…
Au départ j’aurais bien aimé courir au moins 24 heures ce qui correspond à 100 miles (160km) mais le parcours tout plat et la difficulté de repartir froid à chaque heure en ont décidé autrement. C’était vraiment très difficile et je suis allé au bout donc il n’y a aucun regret. D’autant plus qu’avec mes douleurs vers la 10ème heure je ne donnais vraiment pas cher de ma peau…
Puis il y a eu des objectifs à court terme qui m’ont permis de continuer d’avancer : passer les 12 heures, puis les 100km, puis être devant ceux qui abandonnent aux 100km, finir dans le dernier quart, voir le lever du soleil…
Sans compter tous les encouragements que j’ai reçus de la famille et des amis qui m’ont suivi à distance et qui m’ont poussé à me surpasser. Je suis allé au bout et c’est en grande partie grâce à vous !!
Au final ça fait 20 tours, 134km, 17h30 de course et 2h30 de repos. Et surtout une belle (mais douloureuse) expérience sur ce genre de course. Le vainqueur a quand même fait 38 tours soit 255km…
Un grand merci à vous tous pour votre soutien !! Place à la récup et aux raclettes avant les prochaines aventures…